Vice-président de la fédération CFTC Protection sociale et Emploi en charge du régime général de Sécurité sociale, Frédéric est le chef de file des négociations Sécurité sociale. Il en témoigne.
Comment se sont déroulées les négociations de branche pour faire face à la crise ?
La branche de la Sécurité sociale est un peu particulière ; elle est elle-même subdivisée en quatre réseaux : l’assurance maladie, la famille, la vieillesse et le recouvrement. Pour faire face à la crise, nous avons plutôt eu des réunions entre chacun de ces réseaux et l’employeur (l’Ucanss, l’Union des caisses nationales de Sécurité sociale). Ensuite, au sein des territoires, chaque caisse est autonome. Les négociations locales sont donc les bienvenues, car elles induisent davantage de proximité. Les territoires ne sont en effet pas soumis aux mêmes contraintes, aux mêmes tensions sanitaires. La difficulté est de veiller à ce qu’il n’y ait pas de différence de traitement au niveau national, d’où la tenue de deux réunions au niveau de la branche, cette fois. Dans l’ensemble, je dirai que nous avons réussi à nouer un dialogue social constructif, peut-être même plus ouvert qu’à l’accoutumée. Gestion de crise oblige, nous étions davantage tournés vers la concertation, l’échange, que dans la négociation pure et dure. C’est donc une autre dynamique à l’œuvre.
Quels en ont été les thèmes majeurs ?
Le premier portait sur le télétravail. Nous avons signé en 2012 un accord-cadre qui nous a beaucoup aidés à déterminer les conditions de sa mise en place. Nous avons négocié une indemnité pour frais annexes de 52 € brut par mois, en plus de la mise à disposition du matériel informatique. Il a fallu également traiter le cas des personnes qui n’ont pas bénéficié de cet équipement, faute de stocks.
Le deuxième point a été l’engagement fort des quatre réseaux pour ne pas avoir recours au chômage partiel, tout au long et après le confinement. C’est fondamental, car la plupart des salariés de la branche ont des revenus modestes. Le retrait de 15 % du salaire est dans ce cas très impactant.
Et nous nous sommes bien sûr assurés de la sécurité des personnels obligés de se rendre sur place dans un premier temps, ceux qui assurent le traitement de paie et la comptabilité essentiellement. Pour eux, nous avons organisé des temps partagés de télétravail et de présentiel, tout en veillant à optimiser chacun de leurs déplacements et à ce qu’ils perçoivent une indemnité sur ces trajets et leurs repas. Les discussions sur le plan de déconfinement vont s’ouvrir sous peu.
Avez-vous, au fil de ces négociations, ressenti les éventuels effets des ordonnances Macron réformant le Code du travail ?
Franchement, non.
Ce que nous ressentons au quotidien, ce sont les moyens toujours plus contraints de la Sécurité sociale, les enveloppes budgétaires de moins en moins fournies. Cette restriction pèse réellement sur le dialogue social.
Nous sommes tous des salariés de droit privé, mais avec une mission de service public et des fonds publics. Nous ne disposons donc pas des leviers du privé ; nous disposons de peu de leviers durant les négociations en fait. C’est nettement perceptible sur la plus importante des négociations en cours, celle sur les classifications des emplois et des compétences. Interrompue par la crise du Covid-19, elle va reprendre le 12 mai. Et j’espère ardemment que ce qui a été dit durant cette crise sur la nécessaire revalorisation de certaines compétences, sur les métiers ayant trait à l’humain, à la santé, sera retenu. Si des enseignements peuvent être tirés de ces derniers mois, c’est bien sur l’importance cruciale de certains secteurs.
Avez-vous d’autres négociations en cours, qui ont été ajournées par la pandémie ?
Oui, deux qui nous tiennent particulièrement à cœur à la CFTC. La première sur les aidants familiaux, les droits dont ils disposeront ; la seconde porte sur l’intéressement. Il s’agit de la révision triennale de notre accord signé en 2008, sur proposition de la CFTC.
Et concernant le chantier en cours de restructuration des branches ?
Nous sommes concernés bien sûr, puisqu’aucun secteur du privé n’est exempté. La Sécurité sociale (régime général) fait partie des plus grandes entreprises à l’échelle nationale, avec pas moins de 150 000 salariés. Nous avons intégré cette année les salariés du RSI (régime des indépendants), c’est une restructuration importante. Mais notre cas est un peu particulier. Nous dépendons de trois conventions collectives (agents et cadres, agents de direction, praticiens conseils) de l’Union des caisses nationales de Sécurité sociale. Sauf que ces conventions sont inscrites dans le Code de sécurité sociale, autrement dit dans la loi. Il faudra donc passer par une loi rectificative. Et puis, la Sécurité sociale n’est pas une entreprise ordinaire. C’est une institution au service de la nation et elle gère les prestations des allocataires, assurés, retraités, cotisants. Pendant la crise, elle assure en plus des prestations exceptionnelles, dont les équipes chargées du « tracing Covid » ne sont qu’une des illustrations. Donc, pour répondre à votre question, oui c’est prévu, mais ce n’est pas à mettre dans les priorités.
Propos recueillis par Maud Vaillant