Référent métiers à Pôle emploi dans les Hauts-de-France (02), Sylvie Amblot-Aazzabi est aussi la présidente du syndicat national CFTC Emploi, vice-présidente de la fédération Protection sociale et Emploi et conseillère confédérale suppléante. Elle retrace les défis auxquels la CFTC Emploi a dû et devra faire face.
Quels ont été les impacts du Covid-19 sur l’organisation du travail à Pôle emploi ?
La première semaine de confinement a été difficile, car rien n’était encore fixé légalement. D’abord ouvertes, nos agences ont progressivement fermé, tout en accueillant le public en grande difficulté numérique. Le syndicat a alerté sur les risques que nous faisions prendre à ces personnes. Au bout d’une semaine, les agences ont définitivement fermé leurs portes au public. Concernant le personnel, l’accord sur le télétravail que nous avions signé en 2016 nous a considérablement facilité les choses. Le déploiement d’ordinateurs portables auprès des salariés était en cours ; 70 % d’entre eux sont aujourd’hui en capacité de télétravailler. Il y a quelques disparités selon les agences : certaines peuvent clairement assurer leur mission de service public portes closes ; elles procèdent simplement au relevé du courrier. Pour d’autres, dont la situation était un peu plus difficile et l’équipement moins avancé, des salariés se rendent sur site pour accomplir « l’activité essentielle », exclusivement le matin et dans le respect des normes sanitaires.
Malgré le caractère d’urgence, les négociations avec la direction se sont-elles bien déroulées?
Oui, plutôt, la direction s’est montrée ouverte. Nous avons veillé à faire une bonne remontée des informations, très variables selon les régions. Nous avons obtenu que le chômage partiel ne soit pas appliqué chez nous. Ainsi il n’y a pas de perte de salaire pour les personnels. Ceux qui ne sont pas équipés pour télétravailler bénéficient d’une « autorisation d’absence exceptionnelle ». En revanche, ils sont mobilisables prioritairement pour des missions sur site. Pour les télétravailleurs, nous souhaitons obtenir une indemnité pour frais complémentaires. Le remboursement des factures sera pris en compte (cartouches, papier…), mais, s’agissant des frais moins visibles d’électricité, de téléphone…, c’est bien moins sûr ! Quant au volet «congés », la situation est un peu particulière chez nous. La direction n’imposait pas de prise de congé ou de RTT, car les besoins en personnels sont grands. Mais, depuis ce jour, la décision d’imposer jusqu’à 10 jours de RTT pour les personnes en absence autorisée est tombée… Alors que le non-équipement de ces personnes pour télétravailler ne relève pas de leur choix ! La crise a provoqué une hausse de l’activité et l’après-confinement en provoquera une autre. Une surcharge d’activité est à prévoir pour des mois, voire des années. Pour l’instant, nous n’avons pas d’informations sur une éventuelle phase de recrutement.
À quoi cette hausse d’activité est-elle due ?
L’augmentation des inscriptions à Pôle emploi, déjà très forte ! Le maintien des droits pendant la crise, jusqu’au 31 mai 2020, nous réjouit à double titre. D’abord, pour certaines personnes qui étaient au chômage, c’est une mesure quasi vitale. Et puis, c’est une sollicitation en moins pour nos services qui peuvent enregistrer ces nouvelles demandes, provenant essentiellement de l’intérim et des fins de contrats.
Mais y a-t-il des offres d’emplois en ce moment ?
Dans certains secteurs, oui ! La logistique et le milieu agricole essentiellement. Les besoins d’aides à domicile, d’infirmiers, se font aussi sentir. Mais là, les demandeurs d’emploi doivent examiner ces opportunités au regard de leur situation personnelle. Ils peuvent se voir contraints de refuser.
Parvenez-vous à remplir votre mission d’accompagnement des demandeurs d’emploi comme auparavant ?
Bien sûr, nous poursuivons nos missions de conseil. Par téléphone essentiellement. Par le biais de la visioconférence aussi, quand le public est équipé des outils nécessaires et les maîtrise. C’est également l’occasion de travailler ensemble à une recherche de formation adaptée. Évidemment, nous entretenons certaines craintes pour les personnes en décrochage et qui, compte tenu de la situation, peuvent se sentir encore plus isolées et démunies.
Et au niveau du mouvement, parvenez-vous à maintenir le lien ?
Nous faisons beaucoup d’efforts en ce sens et c’est plutôt une réussite ! Au niveau national, nous faisons un point toutes les semaines en visio. Cela nous a permis de faire face aux urgences, mais aussi de travailler sur des plans d’action entamés, comme notre stratégie de communication sur les réseaux sociaux, l’adaptation de la charte graphique, des mini-modules de formation à destination des adhérents, la mise à jour d’Inaric, celle de nos statuts en vue du prochain congrès de la CFTC Emploi, en septembre 2021. Des projets de plus long terme, donc, auxquels nous avons enfin le temps de réfléchir.
Un autre fil de discussion régional rassemble aussi élus et représentants de proximité ; dans les Hauts-de-France, ce fil est très actif. Il constitue une des principales sources de nos remontées d’information auprès de la direction de Pôle emploi. Enfin, nous prêtons une attention particulière à nos adhérents. Nous les appelons, pour détecter d’éventuelles détresses. Nous organisons avec eux un rendez-vous hebdomadaire en visio ; ils ont la possibilité de poser leurs questions par tchat ou de prendre la parole. C’est très concret : ça va des tickets-Restaurant à la pose des congés payés. Et finalement, ça soulage beaucoup les managers de Pôle emploi, extrêmement sollicités sur des points pratiques.
Propos recueillis par Maud Vaillant